Qui, dans un ménage, décide plutôt du lieu des vacances, de l'achat d'un appartement, du choix des amis ? Qui s'occupe des courses, de la vaisselle, du bricolage, de la déclaration d'impôts ? Grâce à une série de questions de ce genre, l'espace domestique peut, être structuré en domaines, un peu comme une grande entreprise est divisée en services. L'équivalent de la « direction générale », ce sont les « grandes décisions », concernant par exemple l'achat d'un appartement, ou l'avenir des enfants. Elles sont prises de façon de plus en plus égalitaire. La tendance est aussi au partage accru des décisions dans le domaine de « l'équipement » : gros achats, aménagement de la maison. D'autres domaines de l'espace domestique restent au contraire très « spécialisés ». Comme on pouvait s'y attendre, « l'approvisionnement » et le « ménager » sont plutôt du ressort des femmes. Bricolage et réparations constituent le seul domaine, « l'entretien », qui soit l'apanage des hommes.
Il s'agit là de moyennes. Un couple donné peut s'organiser sur de toutes autres bases, selon le lieu de l'espace domestique où les conjoints font passer la ligne de démarcation du pouvoir. Sept grands types d'organisation domestique sont ainsi repérés, en fonction du nombre et de la nature des domaines dévolus à la femme dans le couple. Les « femmes égalitaires » par exemple recherchent à peine plus que d'autres le partage dans le domaine des grandes décisions et de l'équipement (ce que l'on appelle le « pouvoir d'orchestration »); mais elles refusent d'assumer seules les tâches ménagères les plus lourdes, abandonnant ainsi partiellement l'autre forme du pouvoir domestique (le « pouvoir d'exécution »). Le modèle de la « femme égalitaire » prédomine notamment chez les enseignants et dans les professions médico-sociales.
Les familles ouvrières reposent plutôt sur des « femmes-PDG », qui tendent à concentrer dans leurs mains tout le pouvoir d'orchestration, ou, au moins, sur des « femmes-gestionnaires », qui sont responsables de « l'administration » dans le ménage. Les catégories d'employés et de cadres privilégient d'autres agencements encore : « femmes d'intérieur » et « femmes petits patrons ». Les premières ont un fort pouvoir d'exécution, mais elles n'ont pas la maîtrise des décisions importantes. Les secondent cumulent les deux types de pouvoir; à la manière d'un artisan, elles commandent et exécutent à la fois.
A l'opposé des ménagères « dominantes » (« PDG », « petits patrons », « gestionnaires »), existe un type d'organisation dans lequel la femme est « dominée » : elle règne dans la cuisine, mais partout ailleurs son mari intervient. Cette forme d'organisation à faible autorité féminine se rencontre davantage dans les couples où la balance culturelle penche du côté de l'homme. Plus généralement, les conjoints négocient leur pouvoir en fonction de leurs ressources respectives, culturelles ou économiques. Par exemple, pour une femme, disposer d'un salaire contribue à déplacer en sa faveur la frontière des pouvoirs. Enfin, la présence d'enfants favorise des modes d'organisation spécialisés, au détriment des formes plus communautaires.